C’est quoi ?
Serial Experiments Lain est un dessin animé japonais produit en 1998 par Yoshitoshi Abe et Ryutaro Nakamura.
Ce conte cyberpunk fait désormais partie des classiques du genre et possède une communauté grandissante de fans l’élevant au rang d’œuvre culte, c’est pourquoi j’ai voulu y jeter un œil.
Malheureusement, il y a deux choses que je ne puis garantir ici : la première, que j’ai bien compris l’œuvre, et la seconde, que cette critique sera libre de tout divulgâchage (spoilers !), car je devrai mentionner certains moments de l’intrigue pour les analyser, bien que j’essaierai de les garder au minimum.
Ça parle de quoi ?
Serial Experiments Lain n’est pas une œuvre facile à comprendre ou à analyser et c’est ce qui, je pense, fait son charme. Pour résumer, on pourrait l’imaginer comme un croisement entre David Lynch et Mamoru Oshii du début des années 2000.
Que ce soit sur le plan artistique (des plans épurés au style volontairement surréaliste) ou narratif (le réalisateur use et abuse de la narration non-linéaire et du principe du narrateur non fiable), tout est fait pour confondre les spectateur-ices et nous laisser dans un état de questionnement permanent.
L’histoire commence lorsque Lain, une écolière timide de quatorze ans, commence à recevoir d’étranges emails d’une de ses camarades, pourtant récemment suicidée, prétendant avoir trouvé Dieu dans le monde virtuel du Wired, l’équivalent dans la série d’un Internet ultra-connecté et en réalité augmentée.
Une série de rêves et d’évènements plus ou moins paranormaux vont la conduire à élucider ce mystère, en partant à la recherche d’un mystérieux groupe de hackers anonymes s’appelant « Les Chevaliers du Calcul Oriental » (Knights of The Eastern Calculus), inspirés de la société imaginaire Knights of the Lambda Calculus…
C’est intéressant ?
À son cœur, Serial Experiments Lain est une série typique de son époque, la fin des années 1990, et traite d’un sujet qui était en vogue : les dérives possibles d’une société hypertechnologique et d’Internet, alors en progression rapide à tous les niveaux de la société.
La série montre comment la protagoniste Lain, écolière timide et introvertie, se noie progressivement dans le monde virtuel du Wired, jusqu’à changer drastiquement de personnalité lorsqu’elle est online, et connecter son propre cerveau à la machine dans sa quête des Knights of The Eastern Calculus.
Toutefois, l’histoire ne s’arrête pas là, car la série introduit de nombreuses fausses pistes quant à la signification des évènements, ce qui brouille la compréhension qu’on pourrait en avoir.
Il est fortement suggéré que Lain souffre d’un trouble psychique apparenté à de la schizophrénie. Ses amis deviennent de plus en plus confus quant à des actes et des méfaits qu’elle aurait commis sur le Wired, sans jamais qu’elle ne s’en souvienne. C’est donc à un véritable dédoublement de personnalité qu’on assiste.
Plus tard, on comprend peu à peu que la série aime à jouer sur l’ambiguïté entre le monde réel et le monde virtuel, et l’influence qu’ils peuvent avoir l’un sur l’autre. Dans le domaine des technologies informatiques, on considère souvent que le réseau n’est qu’une extension du monde réel : le « virtuel » n’a pas d’existence propre. En tant qu’êtres purement physiques, lorsqu’on se connecte au réseau, ce n’est que sous forme d’avatars qui sont des représentations de notre psyché intérieure. De plus, le réseau n’aura jamais que des effets indirects sur le monde réel.
La question des scénaristes devient alors la suivante : à quoi ressemblerait l’inverse ? Un être purement virtuel prenant une apparence physique ? Qu’arriverait-il si le réseau pouvait changer le monde ? Si le monde réel et le monde virtuel venaient à fusionner ?
C’est peut-être là la réponse à apporter à la question « qui est vraiment Lain ? », cette petite fille énigmatique qui passe la plupart de son temps câblée à un super-ordinateur et dont la famille semble n’être qu’une coquille vide.
On apprend au cours de l’histoire que la société d’informatique Tachibana a un jour mis au point le Protocole 7, une nouvelle version du Wired qui utiliserait les résonances de Schumann, des ondes magnétiques d’extrêmement basse fréquence générées par la planète Terre, pour transmettre de l’information entre les individus.
C’est une interprétation du concept de noosphère, parfois appelé zeitgeist : une technologie permettant de connecter les pensées du monde entier au niveau du subconscient. Le but de l’entreprise Tachibana aurait alors été de rendre les mondes réel et virtuel tellement inséparables que contrôler le réseau reviendrait à contrôler le monde réel.
Ainsi, il apparaît que Lain, bien loin d’être une petite fille comme les autres, semble être une entité vivant dans le réseau, peut-être même, est-elle le réseau ; quant à sa présence dans le monde physique, il s’agirait d’une simple expérimentation des labos Tachibana pour comprendre son fonctionnement et peut-être, réussir à la contrôler.
La série, assez courte avec une seule saison de 13 épisodes, s’arrête de façon assez abrupte, et ce que je viens de décrire n’est qu’une vague interprétation de l’histoire. Tout comme un film de David Lynch, la mise en scène est assez avare en explications, ce qui vous permettra de laisser libre cours à votre imagination et de l’interpréter à votre guise !
En conclusion
Serial Experiments Lain n’est pas une œuvre facile d’accès, mais tant sur le plan de l’esthétique que de la narration, je comprends pourquoi elle est arrivée au rang de classique du cyberpunk. Si ce genre vous intéresse, et que vous avez aimé des œuvres comme Ghost in the Shell et Neuromancien, c’est définitivement pour vous !
Même si personnellement, je n’ai pas apprécié le fait que le récit soit si décousu qu’il devient parfois difficile de comprendre quoi que ce soit. Du reste, la série aura permis à la chanson de l’opening (Duvet par le groupe Bôa) d’obtenir une petite célébrité.