« Rediffusion » : J’écris des critiques à plusieurs endroits sur le Web, mais dans une volonté de re-centraliser mes écrits, et de rester indépendant de diverses plate-formes tierces (car le jour où elles ferment, on perd tout ce qui y a été écrit…), je vais recommencer à dupliquer mes contributions sur mon blog.
Fun Home est un de ces ouvrages exigeants, où la prose est souvent en langage soutenu et les références littéraires abondent. C’est inhabituel dans le monde de la bande dessinée.
Le genre de bouquin qui vous donne envie de googler ce dont il est question toutes les 2 pages, et dont on ressort forcément avec quelques livres en plus dans sa pile à lire.
La « fun home » du titre, c’est le surnom ironique qu’Alison Bechdel et sa famille avaient donné au salon funéraire où son père travaillait comme croque-mort à temps partiel, mais aussi une référence à leur propre maison familiale, vraiment pas comme les autres, où leur père imposait à tous un sens de l’esthétique pour le moins particulier, avec un goût prononcé pour l’ancien et le baroque.
Mais dans cette BD autobiographique retraçant en grande partie son enfance et le début de l’âge adulte, l’autrice souhaite avant tout parler de son homosexualité. Comment l’a-t-elle découverte, explorée, et surtout, le rôle qu’a pu jouer son éducation, en particulier venant de son père, qu’elle découvre sur le tard être un homosexuel refoulé, engoncé dans le carcan hétéronormé de la société américaine post-seconde Guerre Mondiale. Alison Bechdel a eu, elle, la chance de grandir à une époque plus tolérante et progressiste, et nous décrit le choc générationnel que cela produit au sein de leur famille.
C’est avec beaucoup de sensibilité et parfois d’humour un peu grinçant qu’elle aborde ces sujets, notamment au travers du prisme de la relation avec son père, d’abord tyrannique et distant, avant de s’adoucir avec les années. La figure de sa mère, une musicienne et comédienne talentueuse, mais réprimée dans ses ambitions car cantonnée à devoir vivre à la campagne par la famille de son mari, est également analysée (et fait même l’objet du livre suivant de la série, « Are You My Mother? »).
Dans l’ensemble, j’ai beaucoup aimé. Cela fait longtemps que je n’avais pas lu un livre que je n’avais littéralement pas envie de refermer, qu’il me fallait finir au plus vite. Mais ce n’est probablement pas pour vous si le lesbianisme et les défis liés à l’homosexualité dans la société moderne ne font pas partie de vos préoccupations, car il s’agit en réalité du thème central de ce livre.
(Initialement publié sur Babelio)